La mission essentielle du chef de fabrication
Le contrôle de la qualité fait partie intégrante des responsabilités d'un chef de fabrication. Dès mes premières années dans ce métier, j'ai été amené à me rendre, principalement chez les imprimeurs, afin d'assister au calage et de signer un BAT.
Quand on est jeune et inexpérimenté, on se laisse souvent impressionner et influencer par l'ambiance de l'imprimerie, et l'on subit aussi la pression des contremaîtres et chefs d'atelier, dont le but est de pouvoir "rouler" le plus rapidement possible. Ils attendent de la part du client une décision rapide, le moins possible de modifications et la sacro-sainte signature sur la bonne feuille. Au fil des années, j'ai appris à vérifier la conformité de l'impression, à anticiper les contradictions techniques et à prendre rapidement les bonnes décisions afin de concilier production et satisfaction du client.
Des annonceurs demandeurs
En tant que conseil en édition indépendant, j’ai effectué pour différents clients, des missions de contrôle technique, chez des imprimeurs, mais aussi, chez des façonniers et chez des routeurs.
Pour l’agence de design C CAPITAL, puis pour l’annonceur SYSTEME U, j’ai été amené à me rendre chez les imprimeurs réalisant des emballages pour les produits de la marque « U », aussi bien en France qu’aux Pays-Bas, en Belgique, en Allemagne, en Italie et en Angleterre.
Ma mission consistait à contrôler l’impression par rapport aux essais et échantillons fournis par le client, afin de garantir un rendu satisfaisant ; le premier rôle d’un packaging étant de donner envie au consommateur d’acheter le produit, tout en veillant au respect des autres éléments de décor et à la restitution du logo du client. Les procédés utilisés ainsi que les supports d’impression étant multiples, les résultats imprimés étaient quelquefois inattendus. C’était surtout vrai pour les tons directs, l’or ou l’argent, qui, imprimés sur une matière plastique, souple rigide, opaque ou transparente, sur du verre ou du métal, donnaient des rendus très éloignés de l’épreuve ou du modèle. Les possibilités de réglage sont très différentes que l’on imprime en offset sur carton, en hélio sur polyéthylène ou en flexo sur PVC !
S'adapter à chaque procédé d'impression
Dans certains cas, il suffisait d’un peu de persévérance ou de refaire la teinte. Parfois il était nécessaire de changer une ou plusieurs plaques, plus rarement de refaire des clichés (en flexo ou en typo), et une fois ou deux fois, de devoir faire corriger ou refaire un cylindre hélio, ce qui est beaucoup plus grave surtout pour les imprimeries qui ne disposent pas d’un atelier de gravure des cylindres.
Une autre difficulté venait des traitements de surface ou transformations, opérés après impression, et qui modifiaient plus ou moins fortement le rendu imprimé, là encore, il fallait simuler ces traitements ou transformations afin de modifier l’impression en conséquences. Bien souvent, avec un peu d’imagination et surtout d’expérience, le résultat final était conforme aux attentes du client et valorisait le produit.
À l’issue de chaque mission, je rédigeais un rapport décrivant ; comment s’était déroulé le calage et les difficultés rencontrées, j'y joignais des spécimens imprimés ou des produits finis. Dans mes commentaires, j’indiquais parfois quelles améliorations techniques pouvaient être apportées ou une meilleure façon de préparer les éléments techniques de départ, afin d’optimiser l’emballage, soit en terme de coût, soit en terme de qualité.
Des missions enrichissantes
Il n’est pas une mission qui ne m’ait appris sur l’emballage et le métier de l'imprimerie en général.
Les imprimeries spécialisées dans ce secteur sont très différentes les unes des autres, par les techniques développées, leur taille et leur philosophie.
À l’occasion de plusieurs missions, je suis allé dans les usines TETRA PACK,
en France et aux Pays-Bas : leader des emballages en carton pour les liquides (120 milliards d’unités dans le monde en 2005). Dans l’usine de Dijon, comme dans celle qui est à côté de Rotterdam, le secret est la règle ; pas question de voir les machines, on sait simplement que de la matière au produit fini, tout est fabriqué sur place. J’ai quand même eu la chance de visiter les halls de stockage, entièrement informatisés et robotisés : impressionnant !
La difficulté rencontrée à cette occasion venait du tirage en amalgame, donc de plusieurs modèles imprimés ensemble. Les différents modèles étaient regroupés par quantités, mais pas forcément en fonction de leur ressemblance en ce qui concerne les couleurs dominantes. Dans ce cas-là, seul un compromis s’impose : chacun modèle doit être le mieux possible, mais aucun ne doit être « sacrifié ».
Des techniques originales
Lors d’une autre mission, j’ai découvert la fabrication des bidons de sirop. L’impression se faisait en offset et en six couleurs sur du fer-blanc, d’abord revêtu d’un vernis d’accrochage, puis passé à l’étuve avant de recevoir un autre vernis de protection. Les plaques de fer devenaient ensuite des bidons, par agrafage des deux grands côtés et après soudure du fond et du dessus à bouchon. Là encore, bien que les cromalins de contrôle aient été réalisés avec les films (typons) servant à l’impression, le support et les vernis donnaient un résultat qu’il a fallu améliorer, et il y avait huit références de produits, allant du sirop de fraise au sirop de citron vert en passant par la menthe sauvage !
Cette mission a duré deux jours, ce qui m’a permis de visiter de fond en comble l’usine et d’en apprendre beaucoup sur les emballages métalliques, imprimés ou non.
Une autre fois, c’étaient des beurriers imprimés sur une feuille de plastique, puis placée dans le fond d’un moule formé par injection, ou des pots de crème fraîche imprimés en volume ou des coques plastiques imprimées puis thermoformées.
Les spécificités de l'emballage
Pour pouvoir faire face à la concurrence et proposer sans cesse à leurs clients des produits toujours plus innovants et économiques, les industriels sont contraints de se spécialiser dans un type d’emballage et donc de constituer un parc de matériel entièrement dédié à leur production.
Certains fabriquent eux-mêmes le support d’impression : le polyéthylène des sachets de bonbons, paquets de chips, etc. est fabriqué à partir de granulés de matière plastique. Pour des sachets de fromage râpé par exemple, la matière, de quelques microns d’épaisseur est constituée de plusieurs couches, chacune ayant un rôle bien précis : empêcher l’oxygène de l’air de corrompre le produit frais ou au contraire de permettre au gaz carbonique rejeté de s’échapper.
Les procédés d’impression utilisés sont souvent complémentaires : l’héliogravure avec la flexographie, sérigraphie et tampographie, typographie et flexographie, etc.
Les transformations nécessaires à la fabrication d’un emballage sont aussi réalisées sur site : découpe, collage, thermoformage, … Le produit doit pouvoir être ensuite utilisé sur les chaînes de conditionnement, selon des normes très rigoureuses et des exigences liées à la mécanisation et à l’électronique.
Les machines sont toujours très complexes, faites pour produire le plus rapidement possible des produits les plus aboutis. Ces matériels sont donc longs et difficiles à régler, chaque arrêt entraîne des redémarrages qui consomment de la matière et du temps.
On se comprend toujours mieux entre professionnels
En mission de contrôle qualité, mon rôle consiste donc à obtenir le meilleur résultat possible dans un minimum de temps, le but n’étant pas d’empêcher la production, mais, bien au contraire d’en permettre le bon déroulement dans les plus brefs délais.
Entre gens de métier on se comprend toujours plus facilement, encore faut-il savoir exactement ce que l’on peut demander, et jusqu’où l’on peut aller dans la recherche de la perfection. Une bonne connaissance des techniques et procédés, des machines et des supports est indispensable, sans oublié que l’on est missionné par un client, l’on est son « œil » et qu’il faut se souvenir des priorités liées au produit.
Les discussions avec les chefs d’atelier, contremaîtres, conducteurs ou techniciens sont toujours enrichissante, quelquefois rudes, j’ai rarement eu à faire à la mauvaise foi ou à un entêtement stérile.
Les entreprises sont, à juste titre, d’abord méfiantes quand le client souhaite être présent au calage.
Trop souvent, elles voient arriver des stagiaires, des chefs de produit ou des commerciaux, qui ont eux, parfois, une excellente connaissance du produit, mais aucune idée de ce que peut être l’imprimerie ses containtes et ses difficultés Ceux-ci sont alors considérés comme des gêneurs qu’il convient de caresser dans le sens du poil pour s’en débarrasser au plus vite. Mais quelle que soit la personne qui vient dans l’entreprise, celle-ci a toujours à cœur de bien recevoir son visiteur et est fière de la renseigner, grâce à une visite des ateliers ou des explications techniques.
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